SOUTHERN ROCK JUNKIES: Amigos Banditos (2018)

Le rock sudiste a depuis longtemps essaimé ses guitares en Europe. Et l’Allemagne n’a pas été oublié dans la distribution : ce style de musique y est fortement apprécié, il suffit de voir le nombre de groupes qui tournent chez nos voisins en évitant notre pays. Depuis un sacré bout de temps maintenant les Southern Rock Junkies officient sur ce créneau. Du sérieux, du costaud, le leader Rob Hiemer est un fin connaisseur des musiques tex-mex, et je le soupçonne d’avoir regardé pas mal de westerns. Deux CDs de quatorze chansons chacun, l’un se nomme Amigos, l’autre Banditos, avec une musique qui respire par tous les coins le désert, la poussière, les chevaux, la bière Lone Star. "The Ghost is back" nous plonge immédiatement dans l’ambiance cow-boys, la poussière du désert, le cow-boy au visage sombre et énigmatique qui chevauche dans le soleil couchant, l’ombre de Clint Eastwood plane sur ce morceau qui se termine par une belle envolée de trompettes. On retrouve cet instrument dans l’introduction de "Amigos" qui pourrait être la bande son d’un futur western de Tarentino. On passe la frontière pour le Mexique avec des chorus de guitares bien acérés comme on les aime, incontestablement la bande de rockers d’outre Rhin a le sens du tempo et du boogie. Du sacré bon boogie avec "Southern Boogie Nights" qui fait taper du pied en faisant un clin d’œil à COMMANDER CODY.

Rob qui compose la quasi- totalité des morceaux avec Chris Cutter possède cette écriture « Southern-rock », ce sens de la formule propulsé par un son et des guitares qui sont toujours efficaces même dans des morceaux plus cool comme "Old Man", avec du banjo, suivi d’un superbe solo de guitare et le chant de Marco Nolo Hennig et encore de la trompette. L’utilisation de cet instrument me fait penser à "Glory Days" un superbe morceau qui figure sur Around the Next Dream, le seul album d’un fantastique trio, Jack Bruce, Gary Moore et Ginger Baker.

On a parlé des invités ? Des musiciens européens mais aussi Bruce Brookshire le leader de DOC HOLIDAY présent sur "Hole In Me", encore un superbe titre qui ouvre le second CD celui de Banditos. Avec le titre éponyme superbe, et "Tres Hombres" qui pourrait être un petit hommage à certains barbus, "Wine, Whiskey & Beer" est une réponse ( ?) au célèbre "One Bourbon, One Scotch One Beer". Et tout au long des morceaux on peut multiplier les références, les clins d’œils complices aux légendes du blues sans toutefois que cela deviennent des gimmicks, au contraire les titres sont originaux, bien construits, bref c’est un vrai régal. Ecoutez "Whiskey Girl" le tempo, le rythme cela ne vous dit rien ? Un "Little old band from Texas" peut-être ?

A l’heure où le « Southern rock » a perdu ses figures historiques, la musique de Southern-Rock Junkies est plus qu’un réconfort, c’est une respiration, la promesse d’une continuité, la réalité concrète que ce genre perdurera. Rob et ses potes ont compris ce qui fait l’essence, que dis-je l’esprit de cette musique, de ces terres du Sud, de ces "amis et bandits" au grand cœur. Et les guitares incandescentes s’évanouissent doucement dans le soleil couchant avant que la Lone Star ne se réchauffe, que le sifflet du train (qui ne siffle qu’une fois dans "Southern-Rock Junkies") s’estompe laissant le crépuscule et ses ombres parfois dangereuses s’installer.

Le groupe évoque une Amérique de cartes postales, sans clichés, une Amérique des plaines désertiques, avec des cactus du désert, des vieux Mexicains aux larges chapeaux, les derniers cow-boys sur leurs chevaux, une Amérique qui existe encore au Texas, en Arizona dans les bars de la Route 66. Ne passez surtout pas à côté de ce merveilleux hommage.

Michel Bertelle